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Samoëns Trail Tour - Tour du Criou (50km / 3200D+)

  • Photo du rédacteur: antoinebeis9
    antoinebeis9
  • 21 juin 2018
  • 10 min de lecture

Pourquoi le Samoëns Trail Tour et le Tour du Criou ?


J’ai découvert Samoëns, Sixt-Fer-à-Cheval et sa réserve naturelle l’été dernier, en 2017. Ce fut l’opportunité de faire plusieurs randonnées, durant lesquelles j’ai découvert le cadre absolument magnifique de la région : le Cirque naturel et ses nombreuses cascades, les Fiz, le Lac d’Anterne… Bref un vrai coin de paradis. Sans parler des rencontres humaines réalisées à cette occasion. Je pense bien évidemment à Anne et Jean-Pierre qui ont repris et gèrent le camping Le Pelly avec l’aide de leurs enfants. Des entrepreneurs dans l’âme, qui ont soif de partage ! :)


Mais ce n’est qu’en rentrant à Versailles que j’ai découvert l’existence du Samoëns Trail Tour. La décision fut évidemment quasi immédiate : il m’apparaissait évident de m’inscrire pour l’édition 2018 !

Sachant qu’il s’agissait de mon premier trail en montagne (c’est-à-dire de mon premier « vrai » trail), je ne savais pas trop dans quoi j’allais m’embarquer. Je ne voulais pas voir trop grand : j’aime me dépasser, mais de manière réfléchie. J’ai donc commencé à regarder le parcours du 33 km, mais celui-ci ne passait pas par le Cirque du Fer à Cheval… Or, courir dans la montagne ok, mais l'idée était tout de même de profiter de ses merveilles locales ! J’ai donc opté pour le Tour du Criou (TDC) et ses 50 km. Je savais la distance et le dénivelé importants par rapport à ce que j’ai l’habitude de faire, mais l’idée était justement de sortir de ma zone de confort.


Le temps est passé vite, je n’ai presque pas vu venir le mois de juin. J’ai fait plusieurs courses en région parisienne, allant du trail au marathon, mais le temps de préparation spécifique au TDC a été d’autant plus court que ma récupération du marathon a été laborieuse, avec des douleurs aux niveaux de l'aine gauche qui ne voulaient pas passer. J’ai certes refait un trail de 30 km début mai, j’étais bien physiquement, mais avec du recul je pense vraiment que je n’étais pas à mon meilleur niveau en partant pour les Alpes. Bref, peu importe !


Le jour du départ arrive. Je prends la voiture 2 jours avant la course et retrouve à Samoëns mon ami Gaëtan. Ami d’enfance, et mon compère de trail. Cela nous laisse le temps de faire quelques balades de reconnaissance et de nous reposer avant le Jour-J. Le tout au bon air de la montagne !



La course :


Levé à 5h, le temps de se faire un bon p’tit déj et de finaliser ma préparation. Le départ doit être donné deux heures plus tard : pour une course plus classique cela aurait peut-être été juste pour la digestion, mais je savais que nous partions directement en côte, donc à allure modérée.


6h40 nous quittons la maison. Elle n’est qu’à 5 min du centre-ville où se fait le départ, ce qui évite tout stress inutile. On entre dans le sas. Je vérifie une dernière fois mon matos, je déplie mes bâtons, je scrute le visage des autres coureurs. La concentration se lit un peu partout. Sur le mien sans doute aussi.

Dans quelques instants je vais plonger dans l’inconnu : plusieurs heures d’effort continu, dans un cadre que je ne connais qu’à travers la randonnée. Mon corps va-t-il tenir ? 6h50, le pitch au micro commence. Mes douleurs qui m’embêtent depuis 2 mois vont-elles se réveiller pendant la course ? 6h55, je lance ma montre pour capter le signal GPS. Je vais partir à la découverte de moi-même. 7h00, le départ est donné.


Tout le monde s’élance. Les premiers se bousculent, les meilleures places se jouent tôt (en tout cas c’est ce que le spectacle laisse penser). Les autres, dont je fais partie, sont plus prosaïques : inutile de se cramer sur les premiers kilomètres, la course est longue, on aura largement le temps de revenir si le physique nous le permet.


Le parcours débute avec 4,5 km de côte, on grimpe sur 500 m de dénivelé positif avant de rejoindre un hameau et une côte plus douce permettant de courir. Très rapidement on arrive au premier ravitaillement au km 9, et la montée reprend. En moins de 2h30 de course on arrive au second ravitaillement, au kilomètre 13, à 1500 m d’altitude. Presque deux heures et demi de course, déjà. Alors que j’ai l’impression d’être parti il y a 30 minutes… Certes il est impossible de courir tout du long (à moins d’être un champion), et la fatigue n’a donc aucun rapport avec 2h30 de running, mais tout de même.


On évolue dans un environnement grandiose, un œil reste rivé sur le sentier pour ne pas trébucher, l’autre est happé par le paysage. Le temps ne s’écoule pas de la même manière. Il passe au ralenti, nous laissant le temps de vivre intensément chaque moment. Il faut accepter de prendre son temps, évoluer dans un tel paysage nécessite de la patience.


Une fois les gourdes remplies, je repars : 700 m de dénivelé positif m’attendent pour atteindre le col, à 2300 m d’altitude. Là-haut, on sera dans la neige, il fera plus froid. La monté va être longue : combien de temps pour parcourir simplement 4 km ? Pour l’instant je n’en ai aucune idée, et finalement peu importe. Si la question me traverse l’esprit, elle ne peut y demeurer longtemps. Le trail n’est pas prioritairement une course contre la montre, pas à mon niveau. C’est une course contre soi-même : il nous faut, chacun à son rythme et son niveau, franchir les obstacles les uns après les autres. D’abord cette côte, puis ce col, puis cette descente qui attaque les cuisses, etc.

Le paysage pendant la montée est superbe, il est encore tôt (vers les 10h) et le soleil monte doucement. Les lumières sont douces et rassurantes. On suit d’abord le sentier, puis celui-ci doucement s’estompe. Le chemin laisse la place aux pierres. Puis apparaissent les premières traces de coton blanc. Enfin le chemin disparait, les drapeaux qui indiquent le tracé sont remplacés par des balises rouges afin d’aiguiller le trailer dans une mer de neige.

En dehors des traces laissées par les coureurs, la neige forme des vaguelettes de part et d’autre. La roche apparait ici et là, sortant des flots. La côte que l’on vient de monter ne se voit plus, et l’on ne voit pas encore la descente qui nous attend. Nous sommes suspendus quelques temps entre terre et ciel.


Il fait plus frais mais cela n’est vraiment pas gênant. Sauf quand il faut mettre les mains dans la neige après une chute. Ce qui arrive régulièrement. Tout le monde glisse et patine un peu. C’est le jeu : se confronter aux éléments. Arrive enfin le col au kilomètre 17, et avec lui la fin de la montée. Cela fait presque déjà 4h que nous sommes partis.


Une fois passer celui-ci, on bascule du côté du Lac de la Vogealle. Il est encore largement enneigé, mais le paysage est magnifique. Cette fois la course laisse la place au toboggan : jusqu’au lac on doit plusieurs fois descendre sur les fesses dans la neige. C’est à la fois amusant et impressionnant. La pente est raide. Finalement on descend près de 200 mètres très rapidement, et le froid mord les jambes. Les mollets, les cuisses et les mains brulent. Mais la foulée réchauffe le corps rapidement, la douleur ne dure jamais longtemps.

Arrive le troisième ravitaillement. Je remplie de nouveau mes gourdes, je mange un tout petit peu, et repars. A partir du kilomètre 19 commence une longue descente de 1000 mètres, jusqu’au kilomètre 30. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il s’agit de tout sauf d’un temps mort. Les descentes sont techniques, délicates. Les chemins sont parfois inexistants, et progressivement les quadri commencent à brûler. Ici on passe par un petit torrent, là par une chemin, là par de la caillasse…



Au km 25, à mi-parcours, on arrive au fond de la combe. Le paysage n’est pas simplement beau. Il est féérique. On se retrouve à l’origine du monde, des dizaines de cascades jaillissent à droite et à gauche. Le paradis n’est sans doute pas très loin. Mais pour le moment il faut continuer d’avancer. Arrive rapidement le km 30 et le ravitaillement du Pelly. Je n’y vois pas Anne ni Jean-Pierre (j’entends simplement la voix de ce dernier dans la sono souhaitant la bienvenue aux trailers). Il règne une ambiance de fête et de légèreté. Cela fait du bien et est reposant. Je regarde ma montre : déjà 5h45 de course. Je me sens bien, même si la fatigue commence à pointer le bout de son nez. Je prends le temps de souffler un peu. Je bois, je mange un peu. Je décide cependant de ne pas trop trainer, et pars attaquer les 700 m de D+ qui m’attendent sur les 5 prochains kilomètres. Commence alors quasiment une heure et demie de fatigue intense…


La côte est longue, et raide. Je ne sais plus si je dois tirer ou pousser sur mes bâtons. Les jambes avancent mais avec peine. On tourne à droite, puis à gauche, puis à droite… Bref on zigzague sans fin. Je dois m’arrêter un moment pour reprendre des forces. Ce ne sont « que » 700 m, mais après plus de 6h de course, 30 km et déjà presque 2000 m de D+ cumulés, tout cela devient difficile. Je regarde les visages des autres coureurs : mêmes visages fermés, mêmes souffles courts. Peu importe d’où l’on vient, nos expériences passées, nous sommes plongés dans le même enfer.


Là-haut le temps s’est couvert. Il n’y a plus d’arbres, nous sommes exposés au vent. Je me pose 5 min pour me reposer, mais j’ai vite froid. Je sais qu’il ne faut pas trop tarder à repartir, au risque sinon de trop me refroidir et de ne plus vouloir (pouvoir ?) repartir.


Il me faudra une nouvelle heure supplémentaire pour descendre. Bien sûr cela se fait un peu plus facilement, mais les cuisses commencent à brûler sérieusement. Peu avant le 40e kilomètre il m’est difficile de continuer à courir tant cela me fait mal aux quadri. Arrive finalement le dernier ravitaillement avant la fin de la course. Je suis vraiment fatigué. Le moral n’est plus très haut. Je n’ai pas faim, mais je me force à avaler 2/3 trucs pour me redonner un peu d’énergie. La niaque n’est plus là. Je ne croise personne que je connais, alors que j’aurais tant eu besoin d’un peu de réconfort, de motivation... Je relis les quelques SMS que mes proches m’ont envoyé pour m’encourager. La fatigue me pousse presque à pleurer. Il me reste 10 km, je sais que je vais terminer, mais je ne sais pas en combien de temps. Le plus difficile est passé depuis longtemps. Le cerveau est une drôle de bête. Car contrairement à mes courses précédentes, si j’ai bien sûr eu des moments difficiles, pas une seule fois je n’ai eu l’envie d’arrêter. Je veux dire par là que je me suis moi-même demandé si je ne serais pas mieux au bord d’une piscine à siroter un jus de fruit frais, mais la réponse a toujours été « non ». Avec l’entrainement et ma courte expérience, je crois que le corps et le cerveau finissent par accepter une dose de fatigue et de douleur bien supérieur à la normale. Et tant que l’objectif n’est pas atteint, inutile de se demander si l’on pourrait être ailleurs. De la même manière que le corps irrigue en priorité les muscles nécessaires à l’effort, le cerveau se concentre sur ce qui fait avancer le trailer et balaye (autant que possible bien sûr) ce qui pourrait faire arrêter le coureur. Tu n’as pas atteint tes limites ? Tu peux encore avancer même si tu as mal ? Mentalement tu n’as pas abandonné ? Alors tu avances.


Les 10 derniers kilomètres ont été difficile. Si je courais dès que c’était plat, les deux dernières côtes, l’une de 100 et l’autre de 150 m, m’ont ruiné. Ce n’était rien pourtant par rapport au reste, mais je n’avais tout simplement plus de jus.


Enfin le village d’arrivé au loin. Je marche, je n’arrive plus à courir. Mais il y a du monde partout. Des anonymes m’encouragent, me poussent à reprendre la course. Je relance une toute petite foulée, puis marche de nouveau. La ligne d’arrivée s’approche : Gaëtan est là avec sa copine et son fils, ils m’encouragent. Plein de gens sont là : des coureurs déjà arrivés, leurs proches, des personnes qui attendant leur ami ou leur conjoint. Tous m’encouragent, me poussent à reprendre. Je me remets à courir, et j’entends alors une salve de hourras qui me donne le smile comme jamais.


Je franchis la ligne d’arriver en un tout petit peu plus de 10h. Un chrono moyen, mais je termine heureux et fier de l’avoir fait, heureux et fier d’avoir vécu cette petite aventure après avoir découvert cette discipline il y a moins d’un an et demi.


Je ne suis allé voir mon classement que 2 jours après, en rentrant à Versailles. Je suis 245e sur 430. Pas si mauvais pour une première. Mais surtout cela m’importe peu. D’une part parce que je sais que je peux mieux me préparer physiquement (comme je l’ai dit au début, des douleurs persistantes m’ont empêché de m’entraîner comme je le souhaitais les deux derniers mois), et surtout parce que l’essentiel n’est pas là : j’ai pris un plaisir immense avec cette course. J’en ai pris plein les yeux, et l’ambiance a toujours été au top.


Alors merci infiniment aux organisateurs, merci 3200 fois (autant que de D+ parcourus) aux bénévoles qui nous aident et nous motivent quand il le faut. Je reviendrai de nouveau à Samoëns et à Sixt, et cette fois pour une aventure sans doute un peu plus « ultra » !

L’après course :


Je ne voulais pas rentrer dès le lendemain, ne me voyant pas refaire 7h de route seul à peine 24h après la course. Je suis donc retourné voir Anne et Jean-Pierre au camping du Pelly. Quel bonheur de retrouver ce havre de paix au milieu du cirque naturel ! Et surtout quel plaisir de retrouver des personnes si sympathiques ! L’occasion de parler du camping et de la course. Et de repenser à ce qui s’est bien passé et à ce que je dois travailler pour la prochaine fois : affiner ma préparation physique évidemment, mais aussi apprendre à mieux gérer mon alimentation pendant la course. Je vois bien que je ne peux plus simplement me baser sur les sensations : le système digestif fonctionne au ralenti après plusieurs heures de course, la faim et la soif ne se font pas forcement ressentir. Il faut que j'étudie tout cela dans les mois à venir. En terme de récupération, tout s'est passé normalement. J'ai eu des courbatures pendant 4 jours, mais aucune douleur "mécanique". Si l'effort a été intense, profond, long, j'ai la sensation que tout cela n'a pas été excessivement traumatisant pour le corps. Nourrissant l'envie de recommencer très rapidement ;)


 
 
 

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