Marathon de Paris 2018
- antoinebeis9
- 10 avr. 2018
- 5 min de lecture
Il y a des courses, à l'image de l'EcoTrail de Paris il y a trois semaines, où globalement tout roule : la préparation se passe bien, la dernière semaine se déroule sans accrocs, le jour J les jambes sont là, et on termine la course heureux de sa perf et de son chrono. Et il y a parfois, au contraire, des courses où rien ne va. Et où le mental est donc amené à jouer un rôle crucial : c'était le cas lors de mon premier Marathon, dimanche 8 avril, à Paris.
J-7 : c'est la cata Nous sommes dimanche 1er avril, je suis rentré la veille d'une semaine de ski (oui je sais, ce n'est pas l'idéal avant un marathon), et je tombe malade. Cela faisait presque un an et demi que je n'avais rien attrapé, et je chope une rhinopharyngite carabinée tout juste une semaine avant ma course... Je continue de me préparer malgré tout : je mange ce qu'il faut pour ma course, je fais mes 2 dernières petites sorties (en espérant évacuer ces ****** de microbes avec des bonnes suées), mais je passe la semaine exténué. Arrive samedi, et je commence tout juste à aller un peu mieux. Malgré ce contexte, pas une seule fois je pense annuler ma participation dimanche. Cela fait un an que je prépare ce moment, et rien ni personne ne pouvait m'en priver.
Jour-J : Just do it Cerise sur le gâteau, la nuit de samedi à dimanche je dors mal et très peu. Le réveil sonne à 5h30, impossible de me lever, je suis mort. Je somnole 1h de plus, il est déjà tard, 6h30 sonne. J'ai dû dormir 4h en tout. Je prépare mon petit déj, et forcement le temps passe très vite. Je me prépare un peu dans la précipitation (ce que je déteste juste avant une course) et je file rejoindre un ami sur les Champs. Je suis fatigué mais je veux faire cette course. Je m'étais fixé initialement un chrono de 3h30 pour ce premier marathon, mais je sais que cela va être très difficile vu mon état. Qu'importe. Je départ est donné et je me fixe donc sur une allure de 5min/km avec mon ami Jimmy. Sur les premiers kilomètres, les jambes répondent, mais assez rapidement je sens que mon corps n'est pas du tout aussi disponible que d'habitude. Je sais déjà que la course va être longue. Malgré tout, le temps est magnifique, Paris est calme et belle, la course en soit ne peut qu'être agréable. Ce qui est relativement le cas jusqu'au Bois de Vincennes. Notre allure est cadrée, on respecte notre plan à la lettre.
Les choses se gâtent quand nous revenons à Bastille, au km 22. La fatigue de la semaine commence à se faire plus durement sentir, je sais que si je ne ralentis pas je ne tiendrais pas. J'essaye néanmoins de maintenir une allure convenable quand nous arrivons sur les quais. Jimmy commence à prendre de l'avance, et je sais que bientôt nous ne nous reverrons plus. C'est au km 27 que commence la vraie galère : la première crampe apparait dans ma jambe gauche. J'ai une petite fragilité de ce côté-là. Il fait certes beau et chaud, mais j'ai pourtant déjà beaucoup bu. Je ne m'attendais pas à être embêté par cela si tôt... Heureusement je retrouve mes soutiens juste après le tunnel qui débouche sur la Place de la Concorde. Cela me permet de me relancer après un rapide étirement. Le reste de la course sera une lutte non-stop contre moi-même et la douleur. Je ne sais pas s'il s'agit du mur des 30 km mais je décroche vraiment de mon rythme après la Tour Eiffel. Je suis obligé de marcher, de boire, encore, beaucoup, sans réussir à étancher ma soif. Je suis déshydraté, mes jambes tirent. Avec l'encouragement des spectateurs qui crient mon prénom, j'arrive à repartir plusieurs fois. Je maintiens une petite foulée jusqu'à l'entrée du Bois de Boulogne. Arrive finalement le km 35, je suis vraiment fatigué même si psychologiquement je suis sûr de terminer. Quelques jours avant la course je l'avais dit à mes collègues et amis : "je suis malade, je terminerai peut-être la course à genoux, mais je terminerai". C'est non négociable. Il est donc hors de question pour moi de m'arrêter là et de me satisfaire d'avoir réalisé les trois-quart du parcours. La suite va pourtant être difficile. Les crampes se multiplient, je n'ai plus d'énergie. Je suis obligé de m'arrêter régulièrement afin de m'étirer. Je me rafraichis également dès que je le peux. Je reprends en marchant, puis je trottine. Les crampes réapparaissent dès que j'accélère trop, et mes jambes progressivement se tétanisent.
Au km 39, je retrouve avec joie ceux que j'aime. Il est toujours difficile de préciser le rôle que peuvent jouer les amis, la famille ou sa moitié dans de telles courses. Nous courons tous pour des raisons différentes, nos motivations peuvent être multiples : courir pour perdre du poids, pour se prouver à soi-même qu'on peut le faire, pour dépasser ses limites, courir contre la maladie, le cancer, pour une cause, une association ou une ONG, etc. Mais bien souvent nous sommes obligés d'aller puiser au plus profond de ces raisons, de nous-même, lorsqu'on nous arrivons à bout de force. Et bien malgré lui, notre entourage incarne ce qui nous fait avancer. Les voir, les entendre, même si physiquement nous paraissons ailleurs, nous permet de continuer et de se battre. Encouragé sur les derniers kilomètre, j'ai pu donner un dernier coup de fouet au km 41 et franchir la ligne d'arrivée dignement. Plusieurs fois les larmes ont failli me monter aux yeux. Tout simplement parce que physiquement j'en ai vraiment chié (désolé, il n'y a pas d'autre mot), et que la joie et la fierté de terminer la course se sont indistinctement mêlées à la souffrance qui a été nécessaire à la réalisation de ce parcours.
Une course particulière Ce marathon aura clairement été une course particulière pour moi. Je suis très heureux de l'avoir bouclé malgré mon état physique, le manque de sommeil, et la chaleur à laquelle mon corps n'était pas habitué. Je termine cette course officiellement en 4h02min, soit un temps tout à fait respectable pour une première sur cette distance, et surtout étant donné le contexte. Mais j'avoue attaché peu d'importance au chrono cette fois-ci, car au-delà du temps réalisé pour faire ce parcours de 42,195 km, il s'agit certainement de la course m'ayant le plus obligé à me dépasser.
Certes ma forme physique et mon chrono à l'EcoTrail m'avaient laissé espérer une bien meilleure perf, mais finalement cela importe peu. Si le plaisir était fluctuant pendant l'effort à cause de la douleur, la fierté d'avoir terminé ce premier marathon est décuplée, et dépasse largement le cadre du chrono. Et je sais que cela nourrira encore plus mes entraînements futurs et mes prochaines courses. Le Marathon de Paris était un des objectifs que je m'étais fixé il y a un an en reprenant la course à pied et le trail running. Aujourd'hui, bien plus que je ne pouvais le penser, cet objectif s'est transformé en tremplin, et me permettra de franchir de nouvelles étapes avec encore plus d'appétit :)

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